Prévoir à 3 mois, 6 mois et… 3 ans
La crise économique dans laquelle nous avons été plongés par la crise sanitaire est profonde, durable et laissera sans nul doute son empreinte sur les entreprises pour quelques décennies. Certaines d’entre elles arriveront à traverser cette période compliquée et d’autres, malheureusement, tomberont par manque de financement peut-être, par manque de réaction et d’agilité sûrement. Cette crise met chaque entreprise au défi de s’adapter plus vite et plus violemment que tout ce qui pouvait jusqu’alors être simulé dans les cas les plus pessimistes enseignés dans les écoles de commerce.
Dans ce contexte, il paraît plus important que jamais pour chacun de bien anticiper les conséquences des choix actuels à court, moyen et long terme. En effet, motivé par un instant de survie et sûrement par une peur de l’inconnu qui nous attend dans quelques semaines ou mois, certains vont être tentés de faire des réserves. A l’instar de ceux d’entre nous qui se sont rués sur les paquets de pâtes ou les stocks de papier toilettes au début du confinement, certains décideurs ont agi en déconnectant totalement trois choses essentielles lorsque l’on a recours à du financement :
- Le besoin réel
- La capacité de remboursement
- L’anticipation des futurs besoins
En développant quelque peu ces trois points, on va vite entrevoir que sous le couvert d’une réaction rapide et forte afin de protéger à court terme leur entreprise, certains auront sans le savoir créé les conditions de leur chute future.
Une entreprise qui a recours aujourd’hui au Prêt Garanti par l’Etat (PGE), et qui passerait outre le travail essentiel de bien estimer suivant différents scenarii son besoin réel, aura de grandes chances de demander un montant de prêt supérieur au besoin réel. L’aspect « argent gratuit » du dispositif renforce cette motivation à aller chercher un peu plus que ce que la situation de l’entreprise nécessite pour les 3 ou 4 mois à venir.
Lors de ce processus de négociation de financement, l’entreprise se sera retrouvée confortée par la facilité avec laquelle, dans beaucoup de cas, les partenaires bancaires oublient par miracle la question clé qu’ils sont habituellement si prompts à poser : « comment allez vous rembourser dans les années à venir ? ». Passant au travers de cette épineuse question, le décideur se trouve donc conforté dans son choix d’aller chercher un financement équivalent à 25% de son chiffre d’affaires, alors même que bien souvent 10 ou 15% auraient pu suffire. Ne voyant pas l’iceberg qui lui fait face dans la nuit, le bateau-entreprise avance vers 2021 et 2022 sans imaginer qu’il lui faudra alors sortir en trésorerie 5% de son chiffre d’affaires annuel (et même un peu plus en tenant compte d’un taux d’intérêt encore inconnu à ce jour….). Or combien sont-elles les entreprises qui vont pouvoir sans que cela menace leur équilibre financier sortir 5% de leur chiffre d’affaires annuel…. Bien moins que ce que l’on pense, malheureusement…
En dernier lieu, soulignons enfin la problématique du financement des besoins futurs. Car il est bien évident que les entreprises ont un besoin régulier de financement bancaire afin de compléter leur propre capacité de financement, notamment en ce qui concerne les investissements devant être régulièrement effectués pour développer les opérations. Qu’adviendra-il en 2021 et 2022 lorsque le partenaire bancaire, habituellement présent pour financier le remplacement de tel ou tel équipement devenu obsolète, n’aura d’autre choix que de refuser au motif que le ratio d’endettement de l’entreprise est largement trop important pour permettre un nouvel emprunt ?
Il est donc plus que jamais primordial pour les entreprises de revoir leur prévisionnel à 3 mois, 12 mois et 3 ans à travers de le prisme de plusieurs hypothèses et plusieurs scenarii. Ce n’est qu’ainsi qu’elles pourront réellement arbitrer le montant, éventuel, dont elles ont réellement besoin et qu’elles peuvent réellement supporter dans leurs comptes.